Leurs photos étaient aux cimaises de Val d’Ardenne Tourisme, à Vireux-Wallerand, en mars. Une expo interrompue par la crise covid. Elle est prolongée jusqu’à la fin juin.
Qu’ont-ils à nous dire des Ardennes et de la vallée de la Meuse ?
Rencontre avec Sébastien Bollich
Vous êtes photographe et originaire de Fumay…
Oui. Je suis passé pro depuis mars 2019. Je suis à mon compte. Je suis photographe amateur depuis une quinzaine d’année. Je suis amoureux des Ardennes. J’essaye de marier nature et photo, de mettre tout cela ensemble.
Cette passion pour la nature, elle vient de votre région, si je comprends bien.
On est entouré de forêts, c’est magnifique, mais les habitants ne voient plus la beauté des lieux. Parfois, durant l’exposition à Vireux, des habitants se demandaient où étaient prises les photos alors que c’était à 200 m de chez eux. Je suis content de faire découvrir cette magnifique région, trop méconnue, même par les Français, et de la mettre en valeur. D’ailleurs, des personnes d’un peu partout en France sont intéressés par mes photos. Ils découvrent les Ardennes, loin des clichés de « il pleut… ». Je suis fier des paysages, des beaux sites de nos Ardennes. Moi, quand je me promène, je marche la tête en haut.
Comment découvrez-vous ces nouveaux paysages à photographier ?
Je fais du vélo et de la marche. Je fais des tours de 10 km, pour repérer les lieux. Puis j’y retourne après avec l’appareil photo et tout ce qu’il faut. Je reçois aussi des conseils de gens qui me disent « il y a un bon endroit, tu devrais aller là-bas. Je reste dans les environs de Givet, Haybes, Fumay, jusque Bogny ou Charleville. Je ne pars plus à 150 km, car je suis attaché à mes collines, aux paysages vallonnés : nos forêts, la hauteur… C’est cela qui m’inspire.
Quels sont les points essentiels qui influencent votre choix des lieux à photographier ? Qu’est-ce qui définit pour vous une belle photo de l’Ardenne ?
Quand je pars faire une photo, j’ai une vision, je pars en sachant ce que je veux aller photographier : un lac, un reflet, une vision panoramique en hauteur, un ruisseau… J’y vais à des moments différents, c’est comme cela que je redécouvre la région. Il y a des lieux inépuisables, où on peut aller des centaines de fois et prendre des photos différentes. A Haybes, par exemple, il y a un endroit, La Platale, avec la vue depuis Haybes sur Fumay, où j’ai déjà pris des milliers de photos. Chaque fois je me dis que j’ai tout fait, mais chaque fois que j’y vais, je reprends une différente. La dernière fois, il y avait de la brume autour de Fumay et des gens assis sur un banc. Je n’aurais jamais imaginé prendre une photo comme celle-là là-haut.
Justement, quel est votre endroit préféré pour prendre des photos ?
Il y a des endroits que je redécouvre tous les jours, comme Roc La Tour à Monthermé, que j’affectionne beaucoup. C’est un endroit vraiment magique. Le Lac des vieilles forges est très beau aussi, mais moins en été quand il y a beaucoup de lumière. Je préfère quand c’est calme, en automne, avec des couleurs. Les lumières sont alors différentes. Je préfère la brume, etc.
Vous parlez beaucoup des forêts, mais il y a également la Meuse. Que représente-t-elle pour vous ?
Elle représente beaucoup pour moi. Pour l’instant j’habite à Haybes, mais je suis originaire de Fumay. Et à Fumay, on est entouré par la Meuse. Cela fait une boucle. On vit avec les montagnes, on vit avec la Meuse, donc cela a beaucoup d’importance depuis ma naissance, j’ai bientôt 44 ans et j’ai toujours vécu dans cette région.
Vous disiez que vous faites de temps en temps du vélo, quelle expérience avez-vous de la Voie Verte ?
J’en fais de temps en temps, comme tout le monde. J’aime bien le vélo depuis que je suis tout petit. Je me souviens de la Voie Verte avant les chemins actuels, où c’était moins praticable. Maintenant on est tranquille avec les chemins et on redécouvre nos lieux un peu différemment. C’est propre, c’est nickel, c’est agréable.
Interview réalisée par Eline Fauconnier
Philippe Papier
Vous habitez Rocroi, vous êtes originaire de Thilay. Et vous êtes passionné par deux choses : votre région et la photographie. D’où viennent ces deux passions ?
Les deux sont liées. C’est un amour de la nature au départ qui fait qu’on a envie de la mettre en image. Maintenant, je fais de la photo depuis très longtemps et de façon plus sérieuse depuis une quinzaine d’années. On est lié à l’endroit où on est né. J’aime beaucoup l’Ardenne car je suis né au fin fond de la vallée de la Semois. Cela laisse des traces. J’ai passé ma jeunesse en forêt donc mes lieux de prédilection ce sont la vallée de la Meuse, de la Semois et le côté sauvage de la forêt.
Vous réalisez des photographies de la nature mais aussi des photographies souterraines du patrimoine ardoisier. C’est tout à fait particulier. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?
On ne peut pas détacher la partie nature de la partie patrimoine. L’Ardenne est une terre de labeur. Les activités se sont faites en fonction de la géographie des lieux. Dans les Ardennes, le travail du fer a été important. Les activités ont été fort métallurgiques et il y a eu aussi des besoins en ardoises. On s’est retrouvé dans une région géographiquement favorable puisqu’on extrait l’ardoise depuis le 11ème siècle.
Tout ce patrimoine m’intéresse. J’ai cherché une manière de le mettre en valeur, même si ce n’est pas simple de le photographier. De fil en aiguille, on en a fait un inventaire complet, du côté français. On a répertorié plus d’une centaine de sites, on en a photographié soixante-cinq.
On rend comme cela hommage à la région et aux travailleurs qui ont souffert, pour extraire de l’ardoise dans des conditions très difficile.
Y a-t-il d’autres éléments du patrimoine que vous essayez de mettre en valeur avec vos photos ?
Oui, le patrimoine ardennais est très riche. On parle de la vallée de la Meuse, de la vallée de la Semois, avec leurs forêts profondes et leurs vallées encaissées. Mais l’Ardenne est aussi une terre de contrastes. Dans un même département, côté français, nous avons trois styles de paysages complètement différents. Après Charleville, on est presqu’en Champagne, à quelques kilomètres près. Du côté ouest, on est dans la Thiérache. J’essaye de mettre d’autres éléments du patrimoine en avant, comme le patrimoine architectural. J’aime bien l’architecture ardennaise avec les pierres que l’on a : le schiste, la pierre bleue, la pierre blanche.
Je suis amoureux de la nature, c’est vrai. Mais la photographie, c’est quelque chose que je veux artistique. Je veux toujours un petit côté artistique dans l’image : je recherche des lumières, des points de vue inhabituels, des prises de vue originales. C’est le fil rouge. Pour comparer la photo avec la peinture, j’essaye de faire avec mon appareil photo ce que je ne sais pas faire avec un pinceau.
Qu’est-ce qui définit pour vous une belle photo de l’Ardenne ?
Une belle photo de l’Ardenne, c’est une belle lumière et une mise en valeur originale des éléments de la nature. J’ai une faiblesse pour ce qui est aquatique. Je photographie beaucoup les ruisseaux, les cascades, les étangs, tout cela entouré de forêts. Tout est souvent orienté autour de l’eau et de la forêt.
Y a-t-il une forêt, un point de vue, un paysage qui vous vient en tête spontanément ?
Il y en a plusieurs. Il y a les « standards », comme Roc La Tour, à Monthermé. Mais je ne veux pas me limiter à cela. Je suis vraiment amoureux de la vallée de la Semois, de la Meuse. Aussi du côté belge, du côté de Dinant, d’Anseremme, il y a vraiment des paysages magnifiques. J’essaye de trouver des points de vue inhabituels pour sortir de ce qu’on voit dans les revues, les flyers.
Votre exposition « Les Ardennes en dessus dessous » avec Sébastien Bollich à l’Office du Tourisme de Vireux-Wallerand, entre le 7 mars et le 2 mai, a été interrompue par le covid-19 ?
Elle est prolongée jusque fin juin, à l’Office du Tourisme de Vireux, mais avec des mesures strictes. Et je serai à l’accueil du Parc naturel régional des Ardennes au mois de septembre et à l’Office du Tourisme de Monthermé en octobre.
Propos recueillis par Eline Fauconnier